Clémence Fankhauser | Gilles Boss:
Clémence, en parallèle, est en formation à l’École de vitrail de Monthey après avoir exploré plusieurs pratiques artistiques, notamment la peinture et les techniques de trompe-l’oeil. Depuis près de deux ans, elle se consacre au vitrail, apportant à son travail une touche de modernité et toujours en exploration de nouvelles techniques.
Gilles Boss, artiste sculpteur verrier de 70 ans, installé à Yverdon-les-Bains et Clémence Fankhauser, jeune créatrice lausannoise de 22 ans, se rencontrent autour d’une passion commune pour le verre et ses infinies possibilités artistiques. Ancien laborantin, Gilles s’est tourné vers la sculpture sur verre, jouant avec les reflets optiques, la transparence et la lumière. Son approche technique consiste à superposer des plaques de verre transparentes, qu’il colle, scie et polit pour créer des formes aux effets lumineux fascinants. Ses sculptures captent la lumière, la réfléchissent et la réfractent, offrant un jeu visuel complexe et envoûtant.
Dans cette collaboration unique, les deux artistes ont créé trois oeuvres combinant leur savoir-faire. Gilles a utilisé sa technique signature : la superposition de plaques de verre transparentes qui sont découpées et collées pour créer un volume. Celui-ci est ensuite scié et taillé en forme de cube et enfin poli pour obtenir des surfaces brillantes et transparentes. Clémence est intervenue à l’étape de la gravure. Chaque plaque a été gravée individuellement, créant des motifs subtils qui, une fois empilés, génèrent un volume et une profondeur à l’intérieur du cube de verre.
Ce dialogue entre la technique de sculpture de Gilles et la gravure de Clémence a permis de révéler une nouvelle dimension dans leurs oeuvres respectives. Pour Gilles, cette collaboration a ouvert des perspectives différentes dans son approche de la lumière et de la forme, tandis que Clémence a pu transformer ses projets en deux dimensions en des créations tridimensionnelles. Ensemble, ils ont donné naissance à des oeuvres uniques où se rencontrent transparence, gravure et jeux de lumière, invitant le spectateur à plonger dans un univers sculptural aussi technique qu’onirique.
Hania Naayem | Sylvie Aubry
Malgré les 160 Kms qui nous séparaient, nous nous sommes retrouvées trois fois. Nous nous sommes rencontrées, après une conversation téléphonique de «brainstorming», au Noirmont dans le Jura, où réside Sylvie, les 27 et 28 juin 2024, pour parler des possibilités autour de notre thème, et de nos disponibilités pour nous retrouver cet été. Nous sommes séparées avec des tâches à accomplir. Pour Hania, il s’agissait de couper des échantillons d’une trentaine de verres de textures et couleurs différentes, afin de tester dessus nos pigments éphémères. Pour Sylvie c’était d’expérimenter avec différents liants, et de tester la tenue des échantillons dans le temps sur ses vitres. Nous nous sommes envoyées des photos jusqu’à nos retrouvailles le 23 juillet. Nous avons collaboré durant une semaine à l’atelier de Sylvie pour définir, affiner et finaliser le projet. Nous avons choisi les couleurs, préparé le patron de la peinture sur vitrine en grandeur nature, fait les esquisses du vitrail, testé l’écriture à la craie liquide sur le verre, fait des essais avec différents pigments naturels sur les vitres de l’atelier de Sylvie pour voir comment elles évoluent dans le temps. On a aussi dialogué en base de poèmes et textes autour de la temporalité et du temps qui passait, qui nous parlaient en relation avec ce travail, qui est voué à disparaître. Nous sommes parties sur différents poèmes et avons retenu une ligne d’un poète libanais et une strophe d’une poétesse chilienne. Hania a ensuite exécuté le dessin technique basé sur le calque d’une toile sans titre de Sylvie, puis le vitrail correspondant. Cela avait été pour elle un nouvel apprentissage vu qu’elle montait sans cadre, sur calque, son travail tenu uniquement avec des cales. Elle s’est aussi posé la question de la suspension, de l’équilibre et de comment déterminer le centre de gravité de l’objet et le positionner. Aussi comment gondolerait (ou pas) un vitrail rigidifié uniquement par du mastic.Du point de vue de Sylvie, il n’était pas important de faire un travail parfait, mais que la porte soit ouverte sur une expérience commune et que ce travail soit une expérience pratique au travers de l’occupation conjointe d’une vitrine de 3 m x 1.75 m.Pour Hania, outre la réflexion autour de l’éphémère et la démarche artistique de voir une oeuvre commune évoluer dans le temps et par l’action des éléments, ce qui renvoie à sa fugacité, à la nécessité de vivre pleinement le moment présent, cette collaboration lui a permis d’appréhender le vitrail comme une expression artistique qui s’intègre dans une oeuvre plurielle en la prolongeant et lui faisant écho. La pérennité du vitrail et de la grisaille est ici remplcée par l’éphémère de la craie, aussi durable qu’un texte griffoné sur un tableau noir.
Occuper l’espace par une structure qui laisse passer le paysage extérieur. Cette structure n’est cependant pas figée. Elle porte en elle le dynamisme du geste du peintre et la créativité du verrier qui se sont rencontrés dans une danse qui s’équilibre sur les deux faces d’une fenêtre, se complétant dans un mouvement différent de jour et de nuit,
Le dynamisme évoqué se reflète dans les techniques utilisées, destinées à évoluer avec les éléments auxquels elles seront exposées, et à se transformer tout en se dégradant, avant de disparaître. Cette oeuvre en évolution, qui rappelle l’importance de saisir le moment présent qui ne dure pas, est à être appréciée à chaque instant, même si elle diffère de ce qui avait été exposé originellement. Cette évolution symbolise aussi la transformation intérieure, en lien avec celle de l’univers.
«Comme c’est en haut, c’est aussi en bas. Comme c’est à l’extérieur, c’est à l’intérieur. Ainsi, un seul univers» Karen Luza. « Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par la nuit». Khalil Gibran.
Techniques: Peinture à la craie de meudon, eau et gomme arabique. Couleurs (ocres, pigments), eau et gomme arabique. Vitrail au plomb suspendu, non cerclé.Textes poétiques écrits à la craie liquide.
Ludivine Gubinelli | Kathrin Armbruster-Seid
Pour le déroulement du projet, nous avons souhaité partir sur un thème libre. Je devais imaginer un projet/vitrail où Kathrin aurait pu y incorporer quelques éléments. Nous nous étions rencontrées lors de son exposition à Romont où figuraient beaucoup de poissons. Ce thème m’inspirait beaucoup. J’ai donc choisi de représenter un grillon qui regardait dans l’eau. Elle a ensuite pu insérer des poissons. Nous avons ensuite dessiné les lignes de plomb et fait la maquette. Nous avons décidé que Kathrin représenterait les poissons sur le verre avec de la gravure à l’acide. Le reste du vitrail a été peint avec de la grisaille et de l’émail.
Avec Kathrin, j’ai appris plusieurs nouvelles techniques et surtout pu collaborer avec une artiste dans le cadre d’un projet commun. Les façons d’appréhender l’art et de procéder sont différentes tant de l’une à l’autre que cela a été un réel enrichissement.
Ce vitrail traite de la pollution maritime et, plus généralement, la nature que nous détruisons petit à petit. Elle est représentée par un grillon qui chaque jour se rend au bord de la mer, chante pour les poissons et les admire, car nous ne prenons même pas le temps de le faire.
Véronique Heredero | Jean-Pierre Demierre
Lors de notre 1ere rencontre, Jean-Pierre Demierre m’a montré des photos de « parenchymes » (représentation cellulaire d’un végétal) qu’il avait réalisées en fusing. Comme je donne une 2 ème vie à des lanternes et que je travaille le fusing, on a convenu que chacun habillerait une lanterne, avec pour thème le chêne. Je ferai la représentation extérieure du chêne et il ferait la représentation interne (parenchyme).
Malgré les difficultés rencontrées (casse due aux coupes trop techniques pour mes capacités, déformations lors de la cuisson) je n’ai pas baissé les bras et j’ai essayé de trouver des alternatives (pièces en « mosaïques pour les feuilles du 2èm côté)
Comme Jean-Pierre a finalement opté pour des panneaux dans lesquels il installerait ses pièces, il m’a demandé si je ne voulais pas faire la seconde lanterne. Le temps à disposition n’étant pas extensible, j’ai opté pour de la peinture et de l’émail.
Nous avons trouvé amusant que notre thème « le chêne » soit en fait le blason de Monthey !Je n’ai jamais travaillé sur commande, c’était pour moi une 1ère et ce d’autant plus en formant un binôme.Généralement je crée au gré de mes envies. Il a fallu faire face à différentes contraintes, entre autres celle du temps. Le fait d’être en binôme avec un artiste à part entière oblige aussi à une certaine flexibilité. Je pense au fait que l’idée de base a changé plusieurs fois pour la partie de Jean-Pierre et qu’au final j’ai les deux lanternes au lieu d’une seule.
Le chêne, qui figure sur les armoiries de Monthey, a été le point de départ de notre collaboration. La silhouette de l’arbre, ses feuilles, son bois ont stimulé notre imaginaire.
L’arbre dévoile son identité par son écorce et ses feuilles, mais le tissu de réserve que sont les cellules du parenchyme est caché et pourtant essentiel.
Chêne, mélèze, châtaignier, chacun a sa propre structure intérieure que j’ai illustrée par des verres fusionnés. Ainsi, fixés sur des bois de chêne, ces vitraux mettent en lumière l’invisible. L’intérieur habille l’extérieur, l’invisible devient visible.
Les feuilles de chêne, en haut de l’installation, illustrent également les saisons. Elles rejoignent les représentations de Véronique sur ses lanternes, qui par leur lumière intérieure révèlent le motif. Ainsi, elles font écho aux vitraux qui évoquent les parenchymes du chêne. Véronique Heredero les a réalisées en fusing, peinture sur verre et émail.
Après discussion avec Véronique, le thème a été choisi d’un commun accord. Il permettait de nourrir nos inspirations et techniques personnelles. Au départ, je voulais aussi réaliser une lanterne, puis l’idée de concevoir quelque chose de différent, dans un même thème, m’a séduit. Mon binôme en a été informée et j’ai continué sur cette voie, tout en l’encourageant de poursuivre la sienne. Pour moi, le travail en 3 dimensions donnait sens au sujet choisi : le chêne.
Ainsi, d’un même thème sont nées deux interprétations diverses qui s’enrichissent l’une l’autre.